Les frappes de l'été 2019 contre les stocks d'armes et les positions de la Résistance irakienne, frappes impliquant le régime israélien, pourront-elles se reproduire ? Des dizaines de convois d'armes et de soldats US auraient atterri le lundi 16 décembre à Al-Anbar, en partance pour la base aérienne Aïn al-Asad dans la foulée des menaces proférées par Mike Pompeo, comme quoi les troupes américaines, désormais totalement assiégées depuis l'est, l'ouest et le nord, attaqueraient « l'Iran et ses mandataires » si une nouvelle frappe au missile visant les cibles US se reproduisait. Comme le souligne l'éditorialiste de Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, cette menace cache le pire aveu d'échec qui soit, car comment comprendre qu'une Amérique qui a perdu 5 000 soldats en Irak depuis 2003, y dépensant quelque « 6000 milliards de dollars », peine encore à asseoir « son autorité » et qu'elle ait peur que « quelques roquettes viennent viser ses bases » qui, soit dit en passant, sont d'énormes complexes militaires.
Mardi, une quinzaine de véhicules blindés US ont débarqué dans la zone verte de Bagdad transportant armes munitions, missiles et autres équipements dans l'enceinte de l'ambassade américaine tandis que les GI's venus de la Jordanie achevaient leur déploiement à Aïn al-Asad. Des sources officieuses évoquent aussi une mise en ordre de bataille des combattants des Hachd largement déployés sur les frontières avec la Syrie. Un appel du chef du Pentagone au Premier ministre démissionnaire, Mahdi, a suffi pour que l'Américain comprenne qu'il vaut mieux éviter de jouer aux jusqu’au-boutistes avec la Résistance si Washington veut vraiment que les « boys » s'en sortent indemnes. Adel al-Mahdi a averti Mike Esper en ces termes : « Les décisions unilatérales déclencheront des réactions négatives qui rendront plus difficile le contrôle de la situation. »
Mais que va-t-il se passer si les États-Unis commettent le moindre faux pas? Le député de l’Alliance Fatah, Mohammad Karim n'écarte pas une campagne de bombardement US contre les positions des Hachd d'ici les jours à venir : « Selon des fuites, Washington a l'intention de viser les bases militaires et les positions des Hachd al-Chaabi, ainsi que des groupes de la Résistance et leurs commandants », a dit le député avant de souligner : « Ce serait une très grave erreur. On n'est pas en 2003. Les parlementaires irakiens ne permettront jamais aux États-Unis de violer la souveraineté irakienne ».
En septembre dernier, plusieurs dépôts de munitions irakiens, appartenant aux combattants des Hachd al-Chaabi, ont explosé et les forces de la Résistance n'attendent que l'occasion pour se venger. À Esper, le Premier ministre démissionnaire aurait même transmis la réponse de la Résistance irakienne à Pompeo : » On ripostera à la moindre frappe US puisque désormais les masques sont tombés et on joue cartes sur table ».
Dans la foulée, des sources font état des mesures d'auto-restriction US qui en disent long sur l'état d'angoisse dans lequel vivent en ce moment les « boys ». Dans une lettre adressée au Congrès américain, le secrétaire d'État américain a dit aux congressistes que la présence diplomatique américaine en Irak serait considérablement réduite. Selon le magazine américain Foreign Policy, dans une lettre à la commission des affaires étrangères du Sénat des États-Unis, Pompeo avait décrit un plan de retrait permanent de nombreux membres de l'équipe diplomatique américaine de l’Irak.
D'ici la fin 2020, Washington compte réduire d'environ 28%, le nombre de diplomates en poste en Irak. La réduction, qui prévoit de faire passer le nombre d'employés américains de 486 à 349 personnes, concerne le personnel de l'ambassade des États-Unis et du centre de soutien diplomatique à Bagdad, ainsi que le consulat se trouvant dans la ville d'Erbil, dans le nord du pays.
La lettre de Pompeo à Jim Risch, président de la commission sénatoriale des affaires étrangères du Sénat américain, indique que malgré la diminution du nombre des effectifs américains en Irak, « les États-Unis peuvent toujours atteindre leurs objectifs fondamentaux et mettre en œuvre des programmes de surveillance suffisants », signe que le retrait « diplomatique » est une option en ces temps de pré face à face. Foreign Policy qualifie cette nouvelle décision du département d’État de marche arrière face à l’Iran, mais le Pentagone lui, devrait s'en sentir soulagé. Une machine arrière de plus après avoir bluffé ? Une première bombe US larguée et ça en serait fini du pacte militaire Bagdad-Washington.